A la recherche de Pearl...

Si Anne n’avait pas été louve elle aurait été mule. Aussi têtue qu’un âne, mais cela faisait partit de son charme.
J’acceptais son baiser puisque je devais m’en contenter mais un pincement au cœur ne me quittait pas. L’inquiétude qu’il lui arrive quelque chose. Encore. Elle n’était pas  totalement remise de la morsure du serpent.
Sous forme lupine, elle se déplaçait de façon plus fluide. Je ne doutais pas néanmoins qu’elle cherche à donner le change pour ne pas que je me fasse du souci. Quand comprendrait-elle qu’elle était plus que ma vie ? Mon âme.
Et que si je devais la perdre c’est moi que je perdrai avec elle.
J’en deviendrai fou. Je le savais.

Ecartant ces sombres pensées, je remontais en selle et  suivi le splendide animal sauvage jusqu’au corps d’un homme.
Il devait avoir souffert. La crispation de ses membres, de sa face, prouvait que ses derniers instants avaient dû être terribles et malgré moi, je ne pouvais que ressentir la douce satisfaction de la vengeance.  
Anne reparti et je guidais ma monture à sa suite.
Le crépuscule mettait à feu et à sang la ligne d’horizon.
Suivant son regard je vis moi aussi la fumée et je descendis de cheval.
Elle venait de reprendre forme humaine

L’amour c’est regarder ensemble dans la même direction et là-bas se trouvait le fruit de notre amour.

L’enlaçant, je déposais un baiser dans son cou.

« Je vais y aller en repérage. »

Bien sûr il était hors de question d’y aller tous ensemble, c’était bien trop dangereux. Tout comme il était dangereux d’y aller seul. Il n’y avait pas de bonne solution mais le temps nous était compté et chaque instant, chaque seconde, faisait courir un risque plus grand à Pearl.

Nous étions sortis du marais et le sol était désormais sec et solide, limitant les risques d’attaque de reptiles. Quelques pierres blanches ça et là annonçaient la vision du sage Er’gao. Le soleil n’était plus présent pour leur donner la couleur argentée dont il avait parlé car la nuit tombait. Je distinguais malgrè tout sur la ligne d'horizon la silhouette d'une petite montagne sur lequel devait trôner l’autel blanc.

Avec un sourire crispé, j’ajoutais avant qu’elle ne cherche à contester mes directives.

« Tu vas sous forme de louve les contourner pour m’apporter un appui. Je sais que tu as envie d’en découdre mais là nous marchons sur des œufs et toute erreur pourrait conduire à la mort de notre fille. »

Elle savait que j’avais raison, et en lui demandant de veiller sur moi, je savais canaliser sa rage et sa soif de sang. J’étais le seul lien qui pouvait la retenir. Ce n’était pas de la vantardise, juste la réalité.

La lune choisit ce moment pour se révéler pleine et entière. Pour l’effet de surprise cela risquait d’être compromis. Une grimace se peignit sur mon visage. L’impatience de tous était palpable.

M’adressant à nos hommes d’équipage, je refrénais leur ardeur, car malgré la fatigue, l’appel du combat bouillait dans leurs veines. Pour un pirate, l’action valait toute les paroles et nous étions tous un peu des têtes brûlées préférant foncer que réfléchir. Pour le bien de Pearl, je devais modérer les esprits.

« Vous restez en retrait et surveillez qu’il n’y ait pas d’autres intervenants. Prenez soin des chevaux, nous en aurons besoin pour pouvoir fuir rapidement. Nous ne repasserons pas par les marais. Dans la nuit ce serait du suicide. Si tout va bien nous serons de retour dans une petite heure au plus. Que l’un d’entre vous aille en reconnaissance pour nous trouver un chemin praticable de nuit et qui ne laissera pas de traces au sol. »

Je savais pouvoir leur faire confiance. Ils trouveraient un chemin ou un abri et laisseraient des signes pour qu’on puisse les trouver. Rayan me tendis un objet et je lui offris un franc sourire.

« J’ai fait des appeaux de chouette effraie en bois au campement, je me suis dit que cela pourrait nous servir. »

Encore une fois, le jeune mousse me montrait combien j’avais eu raison de le prendre sous mon aile. Mon cœur débordait de reconnaissance et de joie. Exactement ce qu’il me fallait avant de me jeter dans le combat.
Les yeux brillants de fierté, il en donna un à chaque membre du groupe.

« Un sifflement court pour se repérer, un sifflement long pour demander de l’aide. »

Si la voix humaine avait du mal à porter sur de grande distance, les sifflets eux pouvaient s’entendre à des centaines de mètres.

Remontant sur ma monture, j’enveloppais mon crochet dans un tissu et callais mon bras en écharpe comme si j’étais blessé. Les rennes dans ma main valide.
Jetant un regard au ciel éclairé où les nuages avaient fuis, j’annonçais résolu.

« Changement de programme. Avec cette luminosité il  nous sera impossible d’approcher sans être vu. Je vais faire une diversion et ce sera à toi d’agir. »

Nos chances s’amincissaient mais il fallait jouer les quelques cartes que nous avions en notre possession.

Lentement, je guidais mon cheval vers le feu de camp, en prenant garde de faire suffisamment de bruit pour être entendu et attirer l’attention des campeurs sur moi.
La lune  désormais me servait. Lorsque je fus à distance de voix, je lançais assez fort.

« HELLO DU CAMPEMENT. PERMISSION D’APPROCHER ?  JE SUIS UN VOYAGEUR QUI AIMERAIT PROFITER DE VOTRE FEU ET SE REPOSER. »

Un silence se fit et je comptais un homme seul  qui se leva. Deux chevaux étaient attachés à une racine. Mon regard fut immédiatement attiré vers ce qui semblait être un sac qui bougea légèrement. Ma gorge se noua, mon cœur se mit à battre plus vite. Mes doigts se serrèrent sur les rennes.